Comme vous, l'annonce de la sortie du nouvel album me procure plusieurs sensations: joie, impatience, peur.

Rajout du 3 septembre 2015: Maintenant que l'album est sorti, voici en rouge mes commentaires vis à vis de ce que j'avais écris il y a plus de deux mois.

Rajout du 4 septembre 2015: Explication du contenu des chansons (paroles, articles de presse, etc).

Je ne suis ni journaliste ni critique, mais seulement un fan inconditionnel qui se pose des questions sur ce nouvel opus, le 16ème dans la carrière d'un groupe légendaire.

Je vais donc tenté de critiquer cet album avant sa sortie, le but étant de se faire plaisir en inventant, extrapolant, mais surtout en tentant de coller au plus près de la réalité !

The book of souls est donc la nouvelle création d'Iron Maiden. Annoncé sous forme d'un teaser visuel avec le magazine 99 du fan club fin 2014, le titre et le visuel n'ont finalement rien à voir avec ce teasing. Pas de Ninja à l'horizon. Comment interpréter ce revirement. Concernant le visuel, la direction artistique d'un album n'est pas chose aisée, et probablement que les discussions entre membres et manager ont fait évoluer la direction de l'album durant ses 6 derniers mois. L'autre critère a prendre en considération est la maladie de Bruce. Désolé d'en parler à plusieurs reprises, mais ce fait ne peut être négligé car nous avons tous eu un membre affecté par cette saloperie de cancer et nous savons tous que la vérité d'aujourd'hui n'est pas celle de demain. Le plus troublant est cette mention Uroton 51 qui figurait sur un panneau indicateur. Je pense que le groupe estimait sortir l'album avant l'été et commencer la tournée à l'automne. La santé de Bruce en a décidé autrement.

D'où peut venir ce titre, the book of souls ? Littéralement cela signifie le livre des âmes. Un titre qui va comme un gant au groupe, avec ce mélange de mysticisme et de morbide. Mais nous connaissons la culture des deux piliers que sont Bruce et Steve et, forcément, il y a un sens caché ou un concept album là dessous. Les références a ce titre sont nombreuses, reste a trouver la bonne ! Cinématographiquement la première qui me vient à l'esprit est Evil dead, et ce livre maléfique qui envoute les occupants d'une maison perdue dans la forêt. Ouais mais bof. Musicalement je ne vois pas le groupe piquer un concept à un autre. Reste la littérature. Si on cherche The book of souls sur internet on a 10 pages annonçant la sortie du nouvel album ! Quelques livres en Anglais, mais rien qui nous titille. Tentons le live des âmes.

Quasiment en premier on trouve une critique d'un livre portant ce nom, écrit par Glenn Cooper en 2011. Il s'agit de la suite d'un livre paru en 2010. Le résumé nous indique que cette suite axe son récit sur un volume (donc un livre) qui n'a jamais rejoint la zone 51. Euh, 51 comme Uroton 51 ? Intriguant tout cela. Je cite le résumé: "Encore une fois, l’auteur emploie la formule du thriller religieux mâtiné de scènes d’action, de «révélations» historiques et de considérations métaphysiques sur la prédestination". Cela ma parait bien pour écrire quelques chansons avec tout cela non ? Allez, je me lance: l'album est basé en partie sur ce livre...

Le visuel est particulièrement dérangeant. On l'aime ou on le déteste. Ce qui me rassure c'est que déjà il n'est pas moche. Le dessin est très précis, presque photoréaliste. Le contraste avec le fond noir est osé, mais c'est un bonne technique pour mettre en valeur le personnage. Personnellement j'adore. Mais nous ne sommes pas là pour parler de mes gouts. Donc Eddie, après avoir voyagé dans l'espace, se retrouve métamorphosé en... en quoi d'abord ? Pour ma part je pense qu'il s'agit d'un être ancestral, issu d'une tribu ayant vécu il y a des milliers d'années dans l'Océanie. Aujourd'hui on dirait que c'est un aborigène. Ce nom signifie quand même "le premier habitant de sa terre natale". Un symbole non ? Deux détails m'intriguent: Le bijou sur le front et le sang coulant sur le torse. Pour le bijou il peut s'agit d'une amulette, ou d'un signe tribal désignant, pourquoi pas, un shaman. Concernant le sang, cela indique que cet être, malgré sa bonne mine, ne veut pas forcément du bien à tout le monde.

Le contenu aussi intrigue. Car ce double album est le premier dans la discographie. En général cela intervient sur un live, ou sur un album concept de mi-carrière. Là aussi plusieurs hypothèses: le groupe avait tellement de matière qu'un double album s'est imposé. Le groupe ne sait plus composer que des chansons de 10 minutes. Le groupe sent sa fin venir et la maladie de Bruce renforce ce malaise.

La première idée n'est pas sogrenue. Nous avons a faire à 5 types (Nicko ne fait que cogner...) qui ont tous de l'ego et chacun veut sa place sur le nouvel album. On ne fâche personne et on contente tout le monde en plaçant toutes les chansons. La seconde n'est pas bête non plus. Iron Maiden est connu pour ses titres long, mais nous avait habitué à un titre long par album. Le dernier en général. Une sorte d'histoire dans l'album, un titre fleuve à tiroir avec breaks, refrains et reprise du public lors des concerts. The final frontier avait placé la barre un peu plus haut, avec six titres de plus de sept minutes. On franchi un nouveau step avec ce 16ème album ? Pourquoi pas, mais le 17ème ne sera t-il composé que d'une unique piste de 60 minutes alors ? Terminons avec la troisième hypothèse: une précipitation par peur du futur. C'est ma préférée. Tout autant terrible que cela puisse être, ce 16ème album est, si tout va mal, le dernier avec ce line-up, sans possibilité de retour comme en 2000. Le groupe le sait et préfère assurer un dernier album blindé de chansons plutôt qu'une demi-mesure. La maladie de Bruce, que j'espère définitivement endiguée, est comme un couperet sur l'avenir. Il suffit de lire les articles actuellement écrits au sujet d'un chanteur Français de variété pour s'en convaincre.

Bien que négatif ce constat ne remet pas en cause les qualités intrinsèques de ce futur album: titre intriguant et visuel de qualité. Mais venons en aux chansons.

Au nombre de 11 cela semble raisonnable et pourrait même tenir sur un seul CD. Mais avec le dernier titre culminant à plus de 18 minutes, c'est raté. Réalisons un titre par titre:

L'ouverture est assurée par "If Eternity Should Fail" écrite par Dickinson (8:28). C'est assez long pour un titre d'ouverture, mais "Satellite 15...the final frontier", durait 08:40. Je regrette ce choix car je préfère un titre court et rapide afin de lancer l'album, tel un "Aces high" ou, pourquoi pas, un instrumental comme "The ides of march". En référence nous n'avons pas grand chose. Seule une bande dessinée de 1965 comporte ce titre. Elle parle bien entendu d'éternité et de voyage à travers les dimensions. Mais par rapport au roman de Cooper, cela prend son sens car la notion d'échec et d'éternité est présente. Comme je n'ai pas encore les paroles je ne peux pas parler du contenu, mais seulement de la musique. Immédiatement je retire ce que j'ai dit: ce titre ouvre merveilleusement l'album ! Il y a longtemps que Maiden n'avait pas proposé un titre de cette qualité en ouverture. Le début est une longue déclamation de Bruce, avec un effet d'écho, puis le titre se met en place avec une facilité déconcertante. Bruce a dit qu'il avait écrit  ce titre pour son futur album solo, mais que Steve lui a demandé de le mettre de cet album. Bonne pioche. Jamais Maiden n'avait proposé ce son et ce style de mélodie. Une très grande réussite. On y parle de la création et de la quête de la vie éternelle.

"Speed Of Light", écrit par Smith et Dickinson (5:01). Moi si vous me parlez de cela immédiatement un nom me vient en tête: Joe Satriani et son titre figurant sur "Time machine" en 1993. C'est purement le nom d'une chanson speed, courte et racée. Là voila cette ouverture. Après on peut tout imaginer: la vitesse de la lumière, les voyages dans l'espace, etc. Mais aussi: comme le temps passe vite...(c'est déjà fini...). Vis à vis de Cooper, cette notion de vitesse et de déplacement est importante car le héros change d'époque en un clignement d’œil. On le connait déjà bien et tout le monde semble l'avoir déjà adopté. Rythme rapide, titre carré, du Maiden quoi. Je le préfère grandement à Eldorado. Hommage à quarante ans de jeux videos.

Pour ce "The Great Unknown", composé par Smith et Harris (6:37). Là je sèche un peu mais je vois bien un titre plus calme, mélancolique. Cela cadrerait bien avec un film muet en noir et blanc de 1913. On connait la passion de Steve pour le cinéma ancien, lui qui nous a pondu un "Murder in the rue morgue" (tiré d'un roman). Bien entendu, si on change d'époque comme de chemise, l'inconnue est de mise chez Cooper. Début très calme, basse et guitares, chant de Bruce. tout se met en place. Le rythme s'accélère ensuite mais sans vraiment décoller. On ne voit pas trop où Harris veut aller. Petite déception. Se titre sera vite oublié et ne sera probablement plus jamais joué...

La première chose qui vient à l'esprit à la vue du titre "The Red And The Black", signé par Harris (13:33) est le roman de Stendhal. Mais là, pas d'armée ni de clergé. Pas d'as de pique ou de coeur. Tout bêtement c'est le titre d'un livre qui pourrait se balader dans la zone 51 du roman de Cooper. Je vois cette fois-ci un titre épique identique à "When the wild wind blows". Intro à la guitare sèche, style Flamenco, puis accélération en terrain conquis. On pense à Look for the truth mais avec Bruce au chant. Pas désagréable. Choeur à l'ancienne. Très très long final musical sans parole qui sauve le titre du naufrage. Mais injouable en concert je pense.

Connaissant Adrian (pas personnellement !), When The River Runs Deep, écrit par lui et Harris (5:52) devrait secouer. J'imagine une petite pépite rythmique des familles. Pour le propos, la relation avec le roman de Cooper est plus difficile. Mais comme on y parle aussi de Edgar Cantwell, de Jean Calvin, de Nostradamus et de Shakespeare, le sens caché nous échappera probablement jusqu'aux interviews du groupe. Un titre rapide, assez rock, et que personnellement je trouve teinté de Seventh son dans son introduction. Pas désagréable, avec un son de guitare très puissant assez inédit pour le groupe. Très bons solos. Tous les instruments sont très détachés et identifiables. De ce point de vue c'est une réussite.

C'est le titre du disque. The Book Of Souls par Gers et Harris (10:27). Je pressens un "Fear of the dark" ou un "Dance of death" de 2015. Ma seule interrogation reste le pourquoi de l'absence de Dickinson sur ce morceau (a part le chant), puisque c'est lui qui semble le plus orienté ésotérisme. Intro à la guitare sèche qui fait penser à The talisman mais très vite le titre prend une autre orientation. Mais pas forcément la bonne. C'est long, pas varié, plat, bref chiant. Struture trop classique que l'on a déjà entendu mille fois, mais sans étincelle...

Nous en arrivons au second disque:

Là, j'attends un nouveau "The trooper". "Death Or Glory", co-signé Smith et Dickinson (5:13) semble tout désigné pour l'être. Pas besoin de chercher bien loin: le héros du roman doit mourir ou obtenir le gloire. Refrain simple, titre enlevé, mais là aussi pas d'étincelle. On a connu Smith plus inspiré. Effectivement le héros va mourir puisque cette chanson évoque la vie et la mort de Manfred Von Richthofen, le célèbre pilote Allemand de la première guerre mondiale (RockHard n°157 - sept 2015).

Ce "Shadows Of The Valley", par Gers et Harris (7:32) est bien intriguant.Pas trop de rapport avec le roman, un titre long, bref on ne sait pas trop quoi penser. Retour aux affaires même si l'intro parait convenu. On sent tout de suite des intentions. J'aime bien la structure, sans pour cela crier au génie. Mais c'est plus original que le précédent et rappelle The red and the black dans sa composition.

Avec "Tears Of A Clown" de Smith et Harris (4:59) on arrive au reproche évoqué dans les forums: Des ressemblances avec les albums solo de Bruce: Book, Tears, Clown et Sorrow. Pourtant ce titre n'a pas été écrit par lui. J'y vois les états d’âme (tient donc) du héros, alcoolique et qui aime les femmes. J'accroche dès le début. Voila ce que l'on attend de ce groupe: du renouveau et un très bon son. On pourra reprocher que cela ressemble a du Dickinson solo. Et alors ? A noter les superbes solos très atmosphériques. Un superbe titre. C'est un hommage à l'acteur Robin Williams, victime d'une dépression.

Que dire de ce "The Man Of Sorrows",  création du tandem Murray et Harris (6:28), sinon ce que j'ai écris ci dessus. C'est aussi une allégorie de la peine du Christ. Sur les diverses peintures anciennes, le christ est représenté avec du sang sur le torse... Et que dire de cette chanson, tout en émotion avec cette intro danteste et ce chant habité de Bruce. C'est lent, telle une balade, mais sans le coté mièvre de Coming home. Car avec Steve il y a des tiroirs et le bougre sait les utiliser. Un très beau titre. 

 "Empire Of The Clouds" par Dickinson (18:01). Le Gros morceau de cet album. Un titre épique, énorme, très long. Trop long ? Comment apprécier un titre de 18 mn ? Une écoute cela va, mais sur le long terme comment ce titre va exister ? Sur les forums certains parlent d'un titre évoquant les batailles aériennes de la seconde guerre mondiale. On connait l'attrait de Bruce pour l'aviation. Cela me plait aussi. Mais je préfère cette métaphore: Les nuages sont des livres, livres perdus dans un univers ésotérique où un livre s'est égaré: le livre des âmes... Très longue intro au piano, avec des cordes. Forcément même si on est prévenu cela fait drôle. Mais très vite le chant de Bruce rassure. Ensuite on aime ou on déteste ! Mais effectivement sur un album de Maiden ce titre n'est pas à sa place, même s'il est de qualité et que la longueur ne se fait pas sentir car la progression du rythme se fait crescendo et que quand la guitare arrive cela devient splendide. A pleurer même. Maiden tient là son titre long phare, à l'instar d'un pink floyd, d'un The who ou d'un Eagles, un titre pour l'éternité. Ce titre parle de la tragédie d'un dirigeable Anglais, le R101, qui s'est écrasé lors de son vol inaugural vers Amiens le 5 octobre 1930. A l'origine ce dirigeable devait assurer la liaison entre l'Angleterre et le Pakistan. On peu noter l'allusion au ciel (Clouds) et à l'hégémonie Anglaise à cette période (Empire) (RockHard n°157 - sept 2015).

Conclusion: Je sens un album extraordinaire, combinaison de titres courts et nerveux avec des chansons longues et mélancoliques (progressives ?). Mon hypothèse du concept album basé sur le livre de Cooper ne parait pas si bête. Mais le proche avenir confirmera ou pas ce pari. Le Eddie chasseur-gardien des âmes peur incarner cette philosophie.  Je termine par un extrait de la critique du livre (par Laurine, le 11 mars 2011): "Piper se rend en Angleterre pour enquêter auprès de la famille d’aristocrates à qui appartenait le volume sans se douter que les gardiens de la Zone 51 sont à ses trousses pour récupérer l’encombrant objet." Cela ne vous rappelle rien ?

Hormis l'ovni Empire of the clouds, vraiment à part, cet album est celui que l'on aime et que l'on déteste en même temps. Je l'aime car il contient de véritables pépites, avec un son extraordinaire. Mais je le déteste en même temps car il y a au moins trois titres de remplissage et que cela gâche le ressentit de la première écoute. Premier album studio double, oui mais pour quoi faire ? Un simple aurait facilement pu contenir les meilleurs titres, sans pouvoir accueillir il est vrai la dernière chanson. Il semble donc que les égos des deux leaders aient poussé pour intégrer leurs chansons, au détriment de la qualité final de ce nouvel album, que je trouve après une première écoute très bon, mais qui aurait pu être extraordinaire.